28 janvier 2006

Sylvain de Wendel, Vive la Résistance!, (note de lectura)

Paru dans Planète, no 15, avril 1970.
Quelles furent les sources profondes de l’œuvre guénonenne?
D’un part, le courant « magique », celui de la manifestation concrète des mystères et des entités diaphanes. D’autre part, l’orientalisme et les études savantes de l’Occident humaniste. Les deux courants ne cesseront de se chevaucher.

La continuité ésotérique en Occident
L’Asie n’a pas connu l’occultation de la « Tradition Primordiale » qui, bien qu’édulcorée par les siècles, cheminera toujours.
Il faudra plus de mille ans à l’Occident, et l’éclosion de cette « Renaissance », pour qu’en présence des grands textes latins, grecs, arabes et juifs, on s’aperçoive enfin de l’inépuisable trésor que l’on avait maudit durant les hautes heures de la foi chrétienne.
Le « Livre d’Hermès-Trismégiste » restera un des fondements de la création ésotérique. Avec Plotin, et puis les ultimes mystiques païennes du Ive siècle, avec l’Empereur Julien notamment, se continuera le courant purement initiatique qui devait survivre malgré les interdits de l’église officielle.
Kabballe et alchimie restèrent deux voies très proches, qui jamais ne nièrent leurs puissantes origines orientales et traditionnelles.
Notre civilisation occidentale ne cessa d’être parsemée d’authentiques mystiques qui n’eurent jamais rien à envier à ceux de l’Inde ou de la Chine taoïste. De Maître Eckart aux dévôts de Port-Royal la liste est longue et riche.
L’Université d’Almeria en Espagne fut une grande école soufi. Il semble même que les chiites eux-mêmes y vinrent puiser des fondements doctrinaux.
L’Islam resta tout au long des siècles la charnière entre l’Orient et l’Occident.
« Il n’y a pas eu de rupture entre le monde traditionnel antique et le monde moderne, nous le répétons, mais une suite assez nette de développements et, aussi de dégradations, pour en arriver enfin à notre temps, celui du rassemblement des matériaux. » (p. 42)
Au seizième siècle, la magie surgit dans sa forme moderne par une osmose entre la sorcellerie moyenâgeuse et la science kabbalistique mal digérée. De cette alliance naître l’occultisme sous sa forme moderne.
« Des chercheurs imbus d’hellénisme se tournent vers les anciens mondes; ils veulent découvrir les fondements des plus légendaires civilisations. Hélas! Seules les apparences les préoccupent. Ils délaissent un peu l’exotérisme du christianisme papiste pour partir à la recherche d’autres réalités exotériques. Ces gens ont en horreur tout ce qui est caché ou intérieur. Ils veulent inverser la loi de la connaissance et savoir avant de croire. Ces gens qui auront pour nom Erasme ou Montaigne seront certainement, pour une large part, dans la régression subite de la conscience traditionnelle en Occident. Toutefois ils ouvriront la voie de l’analyse et de la méthode; ils donneront aux chercheurs futurs des règles de rigueur qui manquaient précédemment. Avec les aspirations gréco-romaines de la Renaissance nous débouchons rapidement sur d’autres mondes qui, pour les kabbalistes et les alchimistes, ne se sont jamais tus tout à fait, ceux de l’Egypte des Pharaons et de la Mésopotamie des Mages. Un grand pas est franchi dans la voie de la compréhension de l’Orient traditionnel. On exhumera de vieilles pierres, on s’interrogera face à d’étranges écritures. » (p. 42)

Recherche ouverte aux mystères
Leibnitz s’applique à essayer de démêler les principes du Yi King. Athanase Kircher se penche sur le problème du déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens.
Le dix-septième siècle fut aussi celui des grandes expériences mystiques. Il faut citer Jakob Böhme (1575-1624), homme simple qui reçut, dans ses états d’illumination, des profondes visions intemporelles.

Et une pléïade de chercheurs s’interrogent sur l’Orient
Dès la fin du XVIIe siècle, une quantité d’ouvrages apparaît sur les mœurs et les croyances orientales.
En France, un catalogue de la bibliothèque royale mentionne dès 1739, 287 manuscrits indiens, chinois et persans bien sélectionnés. Ils constitueront la première bibliothèque orientaliste.
Tout le XVIIIe siècle va se passionner pour l’étude des grandes civilisations du monde traditionnel.
Avec Anquetil-Duperron (1731-1805) la connaissance des religions asiatiques entre dans une période réellement scientifique.
La franc-maçonnerie d’avant 1789 connut ses initiés dans les personnes de Jean-Baptiste Willemroz, Martinez de Pasqually et Louis-Claude de Saint-Martin.
L’aventure spirituelle d’Emmanuel Swedenborg (1688-1772). Ce docteur en philosophie, possédé néanmoins d’un esprit profondément mathématique, se lança en 1749 dans une aventure mystique qui effaça bientôt toute la première phase de son existence. Il a écrit « les Arcanes Célestes » (18 volumes) qui sont le fait d’une réalisation surnaturelle qui lui fit découvrir la « réalité » du Ciel et de l’Enfer.
Les travaux de Fabre d’Olivet se détachent nettement. Le plus important c’est « la langue hébraïque restituée », non seulement une honnête compilation de la langue hébraïque et de sa symbolique, mais encore une sincère recherche, en partant d’éléments kabbalistiques, sur le sens caché de la Genèse.

Des cris désespérés vers le Grand Midi
La période romantique va renforcer les passions orientalistes (Hugo, Byron).
Hegel, dans un ouvrage posthume publié en 1837 et 1840, « Leçons sur la philosophie de l’Histoire », nous donne un résumé de 80 pages sur « le Monde Oriental ».
Schopenhauer, dans « Le Monde comme Volonté et comme Représentations » introduit des passages entiers du Veda, des fragments de telle ou telle Upanishad, comme fondement d’une réflexion sur l’Etre même.
Friedrich Nietzsche doit aussi beaucoup à la Grèce présocratique et à l’Orient de la Tradition.
Les plus grands orientalistes de la période en France sont: Eugène Burnouf (1801-1852), qui publie des travaux sur la langue du Zend; Emile-Louis (1821-1907), qui a donné de remarquables études sur la langue sanscrite; Fustel de Coulanges (1830-1889), qui relève dans ses ouvrages les parallèles aryens qui existaient dans l’Antiquité entre les civilisations d’Occident et les civilisations traditionnelles d’Orient.

Trouver les clefs de la magie
En 1810 naît le « rénovateur de l’occultisme », Eliphas Lévi, de son vrai nom Alphonse-Louis Constant. Après avoir consacré la moitié de sa vie à la lutte socialiste, il changea d’orientation pour se consacrer, après la lecture de la « Kabbala denudata » de Knorr de Rosenroth et celle des œuvres de Jakob Böhme, à l’étude du mystérieux et du magique.
Ses ouvrages les plus connus sont: « Dogme et Rituel de Haute Magie », suivi d’une « Histoire de la Magie » et de « La Clef des grands mystères ». « Ecouté et admiré dans les salons, il pouvait étonner les uns et faire trembler les autres par la vertu d’une amulette, par une sourde incantation… Rapidement des disciples lui vinrent; autour de son enseignement devait se fondre tout un courant occultiste qui s’étiolera en différentes chapelles spirites et théosophiques à l’aube du vingtième siècle. » (p. 46-47)
Conclusion sur l’œuvre d’Eliphas Lévi: « En elle-même, et malgré ses inégalités et quelques erreurs notoires, notamment dans les domaines kabbalistiques, l’œuvre d’Eliphas Lévi reste le premier travail de rassemblement des grandes idées traditionnelles d’Occident. Il avait montré la voie. Précurseur de talent, il était néanmoins appelé à être peu à peu dépassé. Le mouvement théosophique de Madame Blavatski doit beaucoup aux travaux d’Eliphas Lévi, qui purent lui permettre, avec d’autres éléments, de créer sa « théosophie » avec son cortège de nuées et d’aberrations. » (p. 47)
Un grand rénovateur des études traditionnelles hors des sentiers de l’occultisme et hors de la compilation universitaire est le marquis Joseph Alexandre Saint-Yves d’Alveydre, surtout connnu pour l’élaboration spirituelle de la « Synarchie ». Ses ouvrages les plus connus sont la « Mission des Souverains », la « Mission des Français » et surtout la « Mission des Juifs ». C’est une longue suite de réflexions sur notre lente décadence.

On reparle d’une centrale du secret
Dans l’ouvrage « Mission de l’Inde en Europe, mission de l’Europe en Asie: la question du Mahatma et sa solution », Saint-Yves d’Alveydre parle d’une « centrale du secret », la mystérieuse Agarttha, où résiderait le Brahatmah, ce Souverain-Pontife porteur de la tiare aux sept couronnes.
Les renseignements étranges et incontrôlables de cet ouvrage, l’auteur les sut en grande partie à un Afghan, le « prince » Harjij Scharipf. Ayant promis de se taire sur ces étonnantes révélations, Saint-Yves décida, au moment de la parution de livre, de les détruire.
Parmi les admirateurs de Saint-Yves d’Alveydre se trouvait Papus, de son vrai nom Gérard Encausse. Il naquit en Espagne, le 13 juillet 1865, d’un père français et d’une mère espagnole. « Son érudition, assez large, manquant néanmoins de sens critique, lui permit de composer une grande quantité de livres qui, tous apportent quelques éléments intéressants, et puis, hélas! un ramas de divagations et de connaissances mal dégrossies. » (p. 48)
Le courant « gnostique », à la fois « église » et « école », a contribué à l’éclosion de deux vocations traditionnalistes: de Pourvourville, dit Matgioï, et Champrenaud, dit Abdul Haqq, qui ont approfondi ultérieurement les doctrines ésotériques de la Chine et de l’Islam.
Dans la maçonerie, le renouveau est apporté par Oswald Wirth, fervent disciple de l’occultiste Stanislas de Guaïta.

Un invraisemblable fatras pour les naïfs
La théosophie de Madame Blavatsky (1831-1891) fut un énorme montage destiné à faire croire aux naïfs adeptes qu’ils étaient réellement en présence d’une transmission traditionnelle provenant directement des sanctuaires hindous et des retraites des Lamas de Himalaya.

Brutale résurgence des principes traditionnels
On ne peut ne pas remarquer que Hitler fut le seul homme d’Etat de ce siècle à en appeler à des forces traditionnelles pour mettre son Pouvoir en place.
« […] la plus horrible guerre que connut l’humanité en cette fin de cycle, devait être une guerre, en grande partie, d’opposition entre la brutale résurgence d’idées traditionnelles, en l’occurnce charriée par les lointaines nostalgies germaniques, face à l’univers rationnel et progressist. En quelque sorte la victoire alliée de 1945 resta une victoire alliée de 1945 resta une victoire du monde profane sur un « essai » désastrueux de retour à un entendement communautaire – dans le cadre de la race – des grands symboles ésotériques qui constituent la vie même d’un peuple. » (p. 51)

Aucun commentaire: