14 janvier 2006

Jean Borella, De la femme et du sacerdoce, (note de lectura)





Texte publié dans le numéro 207 de la Pensée Catholique en décembre 1983.
La revendication du sacerdoce féminin dans l’Eglise catholique est un reflèt du féminisme, mouvement de la société euroaméricaine. Il existe des pasteresses dans l’Eglise protestante, mais la situation n’est pas comparable, étant donné qu’il n’y a pas de sacerdoce dans la dernière.

I. – Que la femme, dans son amour, est au fondement de la société
Un des vices majeurs des philosophies « démocratiques » est le remplacement de la famille comme cellule de base de la société avec l’individu. En fait, la relation entre l’homme et la femme est la garantie de l’équilibre social, et non pas l’individualisme.
La vie sociale commence dans la famille.
Dans la relation homme-femme, la dernière est maîtresse de la situation. L’homme offre, la femme accepte ou non. Les deux ont chacun un rôle bien précisé. Les deux positions ne sont pas interchangeables.
Le féminisme conteste l’équilibre sexuel, mais il n’a rien en commun avec la virginité ou le célibat. Le féminisme est un refus de l’amour sur lequel est construite la société.
Le signe le plus effroyable du féminisme est la banalisation de l’avortement.
« […] le simple fait que le féminisme ait acquis une place aussi considérable parmi les thèmes idéologiques de notre temps, prouve que le bon sens de l’espèce humaine est gravement corrompu. »

II. – Que l’action divine exclut tout arbitraire
La solicitation du sacerdoce féminin repose sur une question de principe: que Christ, en choisissant exclusivement des hommes pour ses apôtres se serait conformé à un usage dénué de principes.
« En adoptant telle langage, tel vêtement, telle nourriture, telle activité, le Christ leur confère une valeur sacrée, ou encore – et cela revient au même – nous en garantit le bien-fondé et authentifie leur caractère normatif. Sinon, il faudrait admettre que les actions divines peuvent être sans raison suffisante, ce qui est une impossibilité métaphysique. »
Beaucoup de théologiens chrétiens voient aujourd’hui dans l’eau du baptême, la croix du Calvaire, le pain et le vin de l’Eucharistie, rien que des « contingences historiques ».
La conclusion s’impose: si lors du Jeudi-Saint, le Christ n’a pas cru bon de conférer aux femmes le sacerdoce, c’est pour des raisons fondamentales.
« Au demeurant, il est paradoxal d’observer que ce sont les mêmes qui d’une part présentent un Christ révolutionnaire, désireux avant tout de scandaliser le conformisme des Pharisiens, en foulant aux pieds règles et usages, et qui, d’autre part, ne voient dans l’exclusion des femmes du sacerdoce que soumission à l’ordre du temps. »
Il est remarquable que, si l’Antiquité romaine, grecque, égyptienne, nous offre beaucoup d’exemples de sacerdoce féminin, l’Antiquité juive n’en a un seul.

III. Que la grâce requiert une convenance déterminée dans la nature
Le rejet du sacerdoce féminin ne peut avoir qu’une des deux causes suivantes:
a) soit la nature de la femme;
b) soit la nature du sacerdoce chrétien.
Il n’y a pas de disconvenance radicale entre la nature de la femme et le sacerdoce, mais il y a des disconvenances entre la nature de celle-ci et le sacerdoce chrétien. L’abolition de la distinction quant à l’apptitude des deux sexes d’exercer le sacerdoce chrétien troublerait la relation de la femme chrétienne avec le salut.
Chaque homme réduit à son animalité est moins qu’une bête.
« En voulant effacer tous les signes distinctifs entre les deux sexes, les féministes ne se rendent pas compte qu’ils se condamnent nécessairement à subir la dictature de l’ineffaçable distinction physiologique, laquelle, régnant, ne connaît d’autres limites que celles de sa propre satisfaction et ne peut aller qu’à transformer les femmes en pures femelles pour des mâles réduits à la fonction génésique. Telle est la vérité rigoureusement inscrite dans la révolution du « deuxième sexe ».

IV. Que la femme est l’image du peuple chrétien tout entier
L’impossibilité de la femme de détenir une fonction sacerdotale ne constitue pas la seule distinction entre les sexes, sinon il faudrait que tous les hommes soient prêtres. Non-prêtre par excellence, la femme est néanmoins l’image du peuple chrétien par rapport au Christ.
« Dans l’ordre naturel et extérieur, c’est l’homme qui représente l’espèce. Mais dans l’ordre spirituel et intérieur, c’est la femme qui figure l’espèce dans sa relation à son destin glorieux. »
La fonction féminine par excellence est être, au sein de l’humanité, l’image de l’humanité.
« Quand Eve ouvrit les yeux pour la première fois, au Paradis, ce qu’elle vit, c’est un homme, Adam, et un monde déjà habité par l’homme (comme espèce) ; au contraire, le premier regard d’Adam porta sur un monde inhabité, radicalement non-humain. Il nous semble qu’il est resté un souvenir de ce premier regard au fond de la conscience que l’être masculin prend du monde, le souvenir d’un monde absolument désert et d’une vision absolument solitaire, par quoi les choses sont posées dans leur rigoureuse objectivité ; tandis que la conscience féminine du monde apparaît plus spontanément sur un fond de participation subjective, le monde étant déjà pour elle subjectivité dans la conscience adamique. »
Par l’homme l’ordre objectif introduit sa nécessité et ses contraintes dans la société humaine, par la femme s’expriment les exigences naturelles de la subjectivité.
Le Dieu de l’homme est le Créateur de l’Univers, le Dieu du macrocosme. Le Dieu de la femme est le Dieu du microcosme. « C’est au nom de la loi non-écrite du « Dieu » de l’homme et de la famille qu’Antigone transgresse la loi de Créon où s’exprime la volonté du « Dieu » de la cité. »
Perdre de vue les devoirs impliqués par l’essence sexuelle c’est pulveriser le corps social dans des unités antagonistes, rompre l’armonie de l’ensemble.

V. Que la nature objective du sacerdoce convient à l’essence masculine
Il y a un ministère féminin de l’intérieurité auquel correspond un ministère masculin de l’extérieurité.
Comme « Christ » signifie « Oint », étymologiquement « christianisme » signifie « religion de l’onction ». Cette religion est d’abord la religion de l’onction consécratoire. Ainsi, le prêtre est un « autre Christ », mais pas un « autre Jésus ».
Le caractère sacerdotal qu’imprime l’onction sans l’âme est de la nature du sceau, ou encore du signe et de l’image, dit saint Thomas (Somme de théologie, III, 63, 3 et 4) : « c’est une puissance spirituelle provenant d’un principe extrinsèque », qui marque directement, non le sujet comme tel, mais les puissances du sujet.
La sainteté personnelle de celui qui reçoit l’onction est étrangère et sans rapport avec celle-ci. Le pouvoir sacramental du prêtre est un trésor qui lui est confié.

VII. – Que Marie exerce, prototypiquement, un ministère spirituel
L’archétype féminin dans sa dimension nuptiale est réalisé en Marie, par l’Immaculée Conception.
« Marie est, comme femme parfaite, le modèle de l’humanité parfaite, de la créature humaine dans sa pureté d’origine. C’est d’ailleurs elle qui donne au Christ son humanité, puisqu’Il n’a pas de père humain. De ce point de vue Marie est présente dans le Christ, non en tant que femme, mais en tant qu’humanité. Par là, elle participe, selon son mode propre, au sacerdoce de l’unique Prêtre. »
Ayant atteint un degré de sainteté qu’aucun prêtre ne pourra jamais dépasser, Marie ne pouvait pas célébrer la messe. La divine liturgie relève du ministère masculin.
La Vierge nous enseigne à participer au sacrifice liturgique en offrant notre propre humanité.
Marie est le prototype de l’humanité unie à Dieu.

VII. – Que le sacerdoce chrétien est «sans généalogie »
Le verset 4 du psaume CX (qui concerne le Messie) : « Le seigneur l’a juré et ne s’en repentira pas : Tu es prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisedech ». Saint Paul insiste beaucoup sur le caractère sacerdotal de ce personnage, qu’il appèle « agénéalogètos » (sans généalogie).
Ainsi, le sacerdoce d’Aaron est avec « généalogie », pendant que celui du Christ est sans « généalogie ».
Le prêtre est par excellence « pontifex », pont entre le ciel et les hommes.
« Ce qui est conféré à l’ordinand, c’est le Christ-Sacerdoce Lui-même, c’est-à-dire une fonction essentiellement transcendante et verticale, toujours « surhumaine », nous voulons dire : non seulement qui dépasse les capacités naturelles de l’homme, mais surtout dont l’existence ne saurait être attachée à une qualification humaine déterminée. »
La nature humaine n’est que le support terrestre de la fonction sacerdotale.
Etant donné que le sacerdoce chrétien est « sans généalogie », il n’y a pas de caste sacerdotale dans le christianisme. « […] la femme est, en effet, plus mère que l’homme n’est père, elle est plus intimement liée à la fécondité générative ; elle incarne, par excellence, la fonction généalogique, c’est-à-dire la permanence d’une continuité naturelle. Et c’est pourquoi la femme-mère est exclue de la participation directe à un sacerdoce qui relève d’une discontinuité surnaturelle. »

Conclusion – Que le masculin-et-féminin peut être dépassé
L’étude développe les conséquences de l’anthropologie biblique.
« L’impossibilité, pour la femme, du sacerdoce chrétien, résulte donc de la reconnaissance du rôle spécifique que le ministère féminin doit y remplir, qui est de maternité et d’intériorité. La révolte féministe (qui n’est pas l’apanage des femmes) ignore tout simplement cette loi : elle voudrait que tout soit n’importe quoi, ce qui équivaut à ne rien vouloir ; mais ne rien vouloir, c’est vouloir le rien, autrement dit : la destruction de tout. »
Saint Paul a établi (1 Co., XI, 7) : « l’homme est l’image et la gloire de Dieu ; mais la femme est la gloire de l’homme ». Voilà la vérité propre de la nature créée. « Cependant, ajoute-t-il, ni l’homme sans la femme, ni la femme sans l’homme, dans le Seigneur » (ibid., 11).
En vérité, le dépassement de la dualité sexuelle, que le féminisme voudrait réaliser au niveau social et ministériel, n’est possible que si l’on dépasse l’ordre de la nature pour accéder à celui de la personne, c’est-à-dire à l’union avec l’hypostase du Christ : « Car vous tous qui avez reçu le baptême du Christ, vous vous êtes revêtus du Christ : (…) il n’y a plus de masculin-et-féminin : tous, vous n’êtes qu’une seule personne dans le Christ Jésus » (Gal., III, 28). Mais c’est là un secret qui ne s’apprend que dans l’humilité et la patience de la prière.

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